L’économie circulaire : un modèle qui s’impose


L’économie circulaire : un modèle qui s’impose

Par Errol Duchaine
Pour IMPACT DD atlantique et
Le Centre québécois de développement durable

On a l’impression qu’on vient tout juste de découvrir les vertus de l’économie circulaire. Pourtant la proposition ne date pas d’hier. Déjà en 1972, des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT) en font mention dans le fameux rapport Les limites à la croissance du Club de Rome, pour lutter contre le gaspillage des ressources.

Il faudra attendre plusieurs décennies avant que l’on considère sérieusement l’économie circulaire comme un nouveau modèle économique pour remplacer le modèle linéaire, celui dans lequel on évolue depuis la révolution industrielle et dont la logique se décline en quatre temps : extraire, produire, consommer, jeter.

Selon une autre logique, l’économie circulaire, faut-il le rappeler, propose un système de production, d’échanges et de consommation qui vise à optimiser l’utilisation des ressources à toutes les étapes du cycle de la vie d’un bien ou d’un service. Si la circularité est à la base de tout cela, c’est que concrètement on recycle tout, les biens eux-mêmes et les matières dont ils sont faits, on réemploie, on répare, on ne jette plus ; au contraire, on donne, on revend, donc on fait circuler. On fait plus, on fait mieux, avec moins.

ON VIT À CRÉDIT

Maude Limoges, coordonnatrice du grand chantier Économie circulaire Saguenay–Lac-Saint-Jean au Centre québécois du développement durable (CQDD), affirme : « c’est le seul système viable ». Rappelons-nous qu’au moment où on se parle, on a besoin des ressources de 1,75 planète comme la nôtre par année. Mais on n’en a qu’une. On le sait, on vit à crédit une bonne partie de l’année et le déficit s’accumule.

Alors, ce qui est particulièrement intéressant actuellement, c’est qu’on a de moins en moins besoin de vanter les vertus de l’économie circulaire. Le concept s’impose. Les gouvernements, de très nombreux économistes, voire des industriels, considèrent que davantage de circularité s’avère incontournable. Le 20 mars dernier, le journal Les Affaires rapportait que l’Ordre des ingénieurs du Québec prévoyait que l’économie circulaire sera une « tendance lourde » au cours de la prochaine décennie. Eh oui, une tendance lourde!

UN CHANTIER ESSENTIEL

On peut dire, dans ce contexte, que l’initiative Économie circulaire Saguenay–Lac-Saint-Jean, arrive à point nommé. Mieux encore, l’organisation et ses partenaires ont une longueur d’avance. Ensemble, ils organisent des rencontres entre entrepreneurs pour documenter tout ce qui est disponible sur le territoire de la région et qui devrait davantage circuler.

Maude Limoges explique : « Nous contactons directement des organisations qui sont invitées à participer au projet par l’intermédiaire, entre autres, d’ateliers de maillage. Ce qui est intéressant, c’est qu’il est rare de pouvoir asseoir autour d’une table des représentants d’organisations de différents secteurs d’activités dans un objectif de réseautage en économie circulaire. »

Depuis le début de ce travail sur le terrain, 15 ateliers de maillage ont réuni plus de 400 entrepreneurs. Concrètement plus de 1 000 offres et demandes ont été documentées et pourront donner lieu à des initiatives de circularité. D’ailleurs, plusieurs maillages se sont déjà concrétisés. Comprenons, par ces échanges, que ce qui était considéré comme des déchets par les uns deviendront de la matière première pour les autres.

MOINS DE TRANSPORT, PLUS DE RÉEMPLOI

« Dans une région comme la nôtre, souligne Maude Limoges, il y a une quantité importante de ressources qui sont transportées sur de longues distances et qui ne servent qu’une fois. Une grande proportion de ces matières peut être réutilisée. »

Citons, entre autres exemples, la Chaine de travail adapté (CTA) d’Alma qui achemine des palettes non utilisées vers un atelier pour les réparer ou les transformer pour d’autres usages. Autre exemple, depuis plusieurs années, la presque totalité des microbrasseries de la région ont développé le réflexe de donner leur drèche, qui est le résidu céréalier du brassage, souvent à des boulangeries pour en faire une pâte à pizza ou d’autres produits alimentaires. De jeunes entreprises développent des ustensiles ou de la vaisselle produits à partir de ces rejets céréaliers. Auparavant, tout ça allait à la poubelle.

Finalement, les efforts conjugués des animateurs de grand projet et des participants contribuent à réduire les émissions des gaz à effet de serre sur le territoire et à éviter l’enfouissement de tonnes de résidus.

Certains maillages ont même permis de partager de la main d’œuvre. Un emploi à temps partiel peut ainsi devenir un emploi à temps plein ou un saisonnier devenir un annuel. N’oublions pas qu’il y a souvent des préoccupations sociales dans ce grand principe de circularité. Certaines organisations qui héritent de matériaux déclassés ont souvent une vocation de réinsertion sociale. La variable économique n’est pas la seule variable sur laquelle on peut bâtir et dynamiser une région, même dans une logique d’affaires.

Maude Limoges conclut, « Chacun de ces gestes n’a pas toujours un très gros impact, mais l’ensemble de ces synergies contribuent à démontrer que ce virage est essentiel et profitable pour tous. »

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PHOTO : Maude Limoges, coordonnatrice et animatrice du projet Économie circulaire Saguenay–Lac-Saint-Jean du Centre québécois de développement durable (Crédit : Pranayama photo).